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La médecine humaniste

« La médecine humaniste, ça passe par se mettre dans les chaussures de l’autre »

Baptiste Beaulieu

Alors Voilà…

Je reçois en consultation une patiente pour son 1er rendez-vous de rééducation périnéale. Lors de ce rdv, on ne fait toujours que parler, échanger… Le dossier administratif, l’anamnèse (jargon médical qui désigne l’interrogatoire), les explications sur la rééducation… Je précise toujours aux femmes que j’accompagne, en début d’entretien, qu’à chaque question, chaque sujet que l’on aborde, elles ont le droit de dire « Joker » sans justification…  J’aime aller au fond des choses et ouvrir (beaucoup) la parole des patientes, tendre des perches dont elles se saisissent… ou pas…  » je pose ça là… « 

Alors je prévois toujours 1h pour ces 1ers rdv, et ça me prend souvent… plus…

Cette jeune femme vient pour sa rééducation postnatale, 1 an 1/2 après l’enfantement, elle a peur que ce ne soit trop tard pour faire quelque chose. Elle me dit qu’elle n’avait pas eu le temps, pas eu l’envie, la motivation de le faire avant. Elle me dit qu’elle avait d’abord besoin de se reconstruire « dedans » avant de se préoccuper de son « enveloppe corporelle ». C’est ok. Il n’est jamais trop tard pour prendre soin de soi. Il n’est jamais trop tard pour se donner du temps.

On aborde le suivi gynécologique, la contraception, les cycles menstruels, la grossesse, le déroulé de la naissance…

Elle me dit que l’accouchement a réveillé beaucoup de choses, car elle a beaucoup souffert d’une bartholinite 2 ans plus tôt. Il s’agit d’une infection de la (ou des) glandes vestibulaires majeures, située(s) de part et d’autre de l’entrée du vagin ; c’est excessivement douloureux… Le traitement est chirurgical, les soins post-opératoires peuvent être douloureux, quotidiens, pendant quelques semaines.

Je pressens qu’elle ne cohabite pas très bien avec son périnée depuis lors, je lui demande donc comment elle va suite à cette chirurgie, comment ça se passe avec son intimité, y a-t-il  des douleurs qui sont restées ?

Elle me répond, stupéfaite, que je suis la 1ère personne à le lui demander depuis 2 ans…*

Nous continuons notre entretien, nous discutons habitudes mictionnelles, défécation, bref tout ce qui touche à la sphère périnéale… La sexualité nous l’avions du coup déjà abordé avec cette bartholinite.

Je termine par lui expliquer le programme des prochaines séances, la présentation du périnée et de son fonctionnement en synergie avec les abdominaux, l’examen clinique dont j’ai besoin pour évaluer son périnée, son droit fondamental à le refuser, son droit fondamental à refuser tout geste ou technique que je lui propose, son droit fondamental à me dire « Stop » à tout moment et/ou à me signifier que, à cet instant, elle n’est pas d’accord ou que j’ai omis de la prévenir de ce que j’envisageais de faire…

Ca m’a travaillé tout le week-end ce qu’elle m’a dit… Et puis ce matin, dans le tram, j’ai écouté l’interview de Baptiste Beaulieu avec Giulia Foïs sur France Inter (que je vous recommande chaudement d’ailleurs). Et j’ai réalisé que c’est depuis que j’ai découvert les livres de Baptiste, que je travaille ainsi…

En lisant « Alors voilà, les 1001 vies des urgences« , je me suis pris des grands coups de pieds aux fesses dans ma blouse de soignante et j’ai revu ma copie…

Alors voilà…

Merci Baptiste.

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* Et là je suis estomaquée ! Que ce soit en post-chirurgical immédiat, ou dans tout son parcours de maternité, pas un.e seul.e professionnel.le de santé ne lui a demandé comment se passait sa sexualité depuis cette chirugie vulvaire, intime, douloureuse.

Alors certes, sur le plan technique, c’est une chirurgie simple, facile. Mais sur le plan humain ?

Je suis intimement convaincue que si un homme avait une infection du pénis, nécessitant une chirurgie, même simple, et des soins douloureux, quotidiens, pour évacuer l’infection, effectués par une personne étrangère, il y aurait eu une blouse blanche en post-chirurgical pour se préoccuper de la sexualité de monsieur.

Et tant mieux pour lui…

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Morale de l’histoire

J’aimerais vous dire : une douleur ne doit jamais se taire ; elle a quelque chose à dire, dites-le, dites-la.
Ne craignez jamais d’en parler…

Soit elle révèle quelque chose de soignable et la dire permettra de la prendre en charge et de l’accompagner, de poser un diagnostic.

Soit elle est normale et grâce à une démarche de diagnostic différentiel, on pourra dire qu’elle est normale et la prendre en charge aussi (ex : endométriose vs douleurs de règles).

J’aimerais aussi insister sur quelque chose de fondamental : le consentement. Tout thérapeute a l’obligation de vous demander votre consentement pour tout geste ou examen, avec une information loyale sur les tenants et aboutissants de sa démarche. Vous avez donc le droit fondamental de refuser un geste sans avoir à vous justifier. Et ce n’est pas parce que vous êtes présent.e à une consultation médicale que vous donnez implicitement votre consentement pour tout. 🙂

ex : lors d’un bilan périnéal, mon bilan sera plus précis et plus exhaustif si vous m’autorisez un examen clinique interne ; cependant, si vous ne m’y autorisez pas, il est de mon devoir de respecter votre souhait et il est de mon devoir de vous informer que ma démarche thérapeutique ne sera pas aussi précise, et que certaines questions du bilan ne pourront peut-être pas être répondues (ex : est ce que vous avez un prolapsus ? à quoi est due cette douleur interne que vous ressentez lors des rapports pénétratifs ? etc.)

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Et toi, qu’en penses-tu ? racontes-moi en 💬  😊 !

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@baptistebeaulieu @giuliafois75 @franceinter

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